Levitas – Lane, De Asís, Mécanique, Majkowski, Garin

Composition : Cyril Bondi et d’incise. Interprètes : Rebecca Lane, Clara De Asís, Golem Mécanique, Mike Majkowski, Stéphane Garin. INSUB Records 2020

Ni une chaleur vive, ni un froid coupant, quelque chose de moins caractériel, plus insaisissable. La composition prend la forme d’une suite de sculptures sonores dans une sorte de mouvement continu, on pense par exemple aux mobiles d’Alexander Calder. Ici chaque élément est identifiable, comme flottant : il ne s’agit pas de construire une structure organique où tout s’entremêle en une masse sonore complexe – on est comme dans un entre-monde abstrait. A l’image de la pochette du disque, aplat de couleurs sans nuances, juxtaposées : à la fois austère et précieuse comme du tissus. Une certaine nonchalance maîtrisée qui rappelle parfois la musique de Morton Feldman.

On sent que la composition a été imaginée directement pour ses interprètes et leur rapport personnel à l’instrument. Composer pour ensemble comme si on avait voulu garder de l’ensemble seulement le plus nécessaire, presque le squelette d’une musique. Les interprètes semblent jouer la musique que l’on joue lorsqu’on est seul chez soi avec son instrument, sans volonté de construire une forme ni même de jouer une musique mais simplement explorer un phénomène que l’on répète, sans urgence. Une musique pour ensemble qui serait comme la somme des « musiques intérieures » de chacun de ses interprètes ?

Pourtant il y a une organisation à l’œuvre, on l’aurait presque oublié. C’est que la pièce semble se faire toute seule, sans en avoir l’air – sans qu’une volonté n’en émerge. Et parfois quelque chose se construit, cabane éphémère d’une grande beauté, si on lui offre en retour une écoute attentive. Un moment particulièrement fort : là où le temps fait mine de se stopper, entre les fracas de pailles et de feuillages (d’un poing déterminé).

R.P.