Interview Sister Iodine


Trio de rock noise classique formé au début des années 80, ils sont censés représentés la no-wave en France du genre Sonic Youth, la Pop en moins. Abrasif, bruyant et énervé, Sister Iodine propose toujours le même bloque de bruit plein de sueur. Interview réalisé en partenariat avec le festival Electropixel à Nantes en août 2021.
Comment vous êtes-vous rencontrés ? Quelle est l’histoire du groupe ?
Erik Minkkinen: Nous nous sommes rencontrés dans le métro a Paris, Lionel et moi habitions pas très loin l’un de l’autre et sortions à la même station de métro. Un jour après s’être observés mutuellement pendant quelques temps, je les ai invités chez moi avec 2 amis à lui (les Flaming Demonics), et on a tout de suite découvert nos goûts musicaux communs. Les Flaming Demonics avaient déjà un projet avec batteur et bassiste, Lionel et moi avons commencé en duo de guitares au même moment, puis nous avons rencontrés Nicolas lors de notre premier concert à deux (il était la seule personne dans la salle à avoir aimé ce concert!). Après un court passage à quatre avec un bassiste-ami de Nicolas, nous nous sommes fixés à 3 et nous avons enregistré notre premier disque ADN 115 (Hiver 93/94).
Aléas de la vie, Nicolas était en love-partance pour s’installer à New York, nous avons enregistré avec un nouveau batteur notre 2ème disque, Pause (1996), puis Nicolas est revenu, nous avons enregistré un 3ème disque qui n’est jamais sorti (notre label Semantic a mis la clé sous la porte pile au moment ou on le finissait 97/98). Nico est alors définitivement parti à NYC, et après être brièvement revenu au duo originel nous avons mis le groupe en pause..
Lionel et moi avons développé un nouveau projet, électronique, Discom, avec lequel nous avons aussi beaucoup tourné et joué. A partir de 2002 nous avons commencé à nous dire qu’il n’était pas si difficile de reprendre avec Sister, ça nous manquait, Nicolas revenait plus souvent, nous avons commencé à refaire des concerts, avant d’aller à NYC enregistrer un nouveau disque, Helle (2007). Ensuite Nous avons enregistré à chaque retour de Nicolas en France, ça a dicté notre calendrier à raison d’une ou 2 grosses sessions par an. Tous nos derniers disques ont été enregistrés ainsi. (Flame Desastre, Blame, et Venom)
Aujourd’hui nous sommes tous les trois en France, c’est plus facile de se retrouver malgré mon départ de Paris.
Votre première date à Nantes a été organisée par Apo33 en 1996 au Pannonica, alors comment vous sentez-vous depuis? Comment votre musique a-t-elle ou n’a-t-elle pas changé?
E.M: Avec notre histoire, notre musique a toujours eu des évolutions, il y a pourtant un fil rouge, mais si nous prenons un instantané au Pannonica et un autre à Bitche 20 ans après, nous serions forcément déconcertés. Nous ne sommes pas comme un groupe de rock qui vivrait d’une recette. Nous sommes en perpétuelle recherche. Nous écoutons avec beaucoup d’intérêt toute une production internationale bruitiste, nous plongeons dans notre son et poussons toujours plus loin les limites.
L.Fernandez: Ce fil rouge, ça pourrait être une certaine idée no wave; une idée brute, brutale, primale de l’utilisation de nos instruments, des matières, du son, et une sorte de manière sèche, rêche et atonale de les construire/diffuser. Dans le même temps, nos rencontres, nos écoutes nous ont aussi fait évoluer, c’est bien normal et toutes sortes de venins sont venus insuffler nos cerveaux malades et nous donner de nouvelles envies de textures et d’approches.
Le paysage musical en France de la scène noise rock, ça vous inspire quoi aujourd’hui? Qu’est-ce qui a changé?
E.M: Quantitativement, la scène free, noise, rock s’est bien agrandie en 30 ans, je ne sais pas si l’on peut forcément parler de rock a vrai dire, je crois qu’elle est traversée de toutes sortes d’influences déviantes et en tout cas elle s’est enrichie de plein de nouvelles têtes,. Il s’est formé beaucoup de mouvement, d’alliances pour faire tourner plus de projets. Je pense au gens de la Triple Alliance de L’Est, aux gens de Clermont et de Marseille, Grenoble toujours présents, au nouveau Passage du Nord-Ouest qui va de Bruxelles à Nantes en passant par Amiens, Rouen et Cherbourg, la Bretagne de Rennes à Visions, à Paris bien sûr, le Non Jazz, les Instants Chavirés, ou encore Sonic Protest. Les scènes sont multiples et vives, le DIY est contagieux et tant mieux.
Apo33 ça évoque quoi pour vous au fond ? La scène nantaise ?
E.M: Je ne me rappelle plus si c’était déjà Apo33 quand nous sommes passés en 1996 au Pannonica , je sais bien sûr que Julien Ottavi était le programmateur , et que c’était notre première rencontre. Mais Apo33 je l’associe à l’expérimentation audio-visuelle , je me souviens des débuts, de programmations vidéo expérimentales , de projets numériques, des débuts de l’interactivité. Après je connais pas mal de différentes scènes à Nantes, j’ai toujours adoré les gens du Blockhaus, je voudrais y faire une résidence un de ces jours avec des cadres de pianos.
Qu’est ce qu’évoque pour vous la notion de FreeFlow ?
E.M : Je n’avais pas entendu le terme avant que la question soit posée, mais je vois bien ce qu’est l’idée. Faisant pour ma part parti de P-node , faisant depuis des années des concerts en stream avec le festival du Placard, ce qui me vient à l’idée aujourd’hui c’est d’avoir imaginé hier les cauchemars d’aujourd’hui, de savoir utiliser des ersatz, la frustration d’utilisation d’un ersatz est chouette quand on se l’inflige soi même collectivement d’une manière artistique catastrophiste avant crise, mais l’application dans la crise écorche tout autant. L’envie de voir des gens passe au-dessus de tout.
L’épisode Antivirus sur p-node a eu ses moments de convivialité, de spontanéité et de créativité; de formations à la prise des ondes et des streams. Le collectif hors des applis mainstream fait du bien dans de moments tels que l’on les a vécus, la prise de la fréquence Dab à Paris a été une décision prise un peu par le hasard du calendrier la première semaine du premier confinement avec un esprit ou il fallait foncer pour se donner une finalité sur une radio multidimensionnelle.
Mais pour moi rien ne remplacera que nous nous rencontrions en vraii, encore plus si je réponds au nom de Sister Iodine.
Est-ce que ça vous arrive toujours de vous battre avec les ingé sons? Voir les organisateurs? Ou êtes-vous devenu un objet iconique que plus personne ne vient déranger?
E.M : C’est souvent le cas, mais je dois dire que ça a bien progressé, bien sûr dans les scènes DIY c’est beaucoup plus facile et ensuite notamment parce qu’ il y a des ingé-sons qui sont avec les temps devenus des alliés ou amis (Benjamin Pagier, Etienne Foyer ou Raphael Seguin sont des ingénieurs du son par exemple avec qui nous avons travaillé quand les conditions le permettaient). Cela dit, quand même, même dans des milieux institutionnels plus free-jazz comme par exemple Montévidéo a Marseille, un ingé-son peut venir nous dire ,” Toi , j’ai écouté ce que tu fais, tu joues trop aigu !” , c’est pas forcément gagné, même chez les oreilles censées être averties…
Comment voyez vous vos projets à côté par rapport au trio ?
La cohésion du groupe ? Ça dure ? C’est dur ? Pour toujours ?
L.F : Nos projets à côté du groupe sont assez essentiels, d’une part ils revitalisent le groupe, d’autre part ils nous permettent d’explorer d’autres terrains de jeux, de matières, de sons qui ne peuvent pas rentrer dans le cadre Sister, Sister Iodine est trop petit pour l’expression de nos multiples envies et besoins de faire de la musique, de collaborer avec des gens ou amis qu’on aime, donc nous avons plein d’autre projets, c’est un besoin et c’est très sain.
Quant à la cohésion du groupe,nous sommes comme les vieux couples, un vieux trouple quoi, c’est plein de sentiments mêlés et confus, c’est solide, et fragile en même temps, il faut toujours veiller à maintenir la flamme ;-))