Before zero crossing, Timothée Quost, 2018
Qu’est-ce qu’un voyage? Une continuité temporelle fluide, comme un seul mouvement ? Ou plutôt une succession d’événements isolés ? (les plus marquants ; des visions qui s’incrustent au plus profond, sans que l’on sache, parfois, pourquoi la mémoire a privilégié cette image plutôt qu’une autre). J’ai beaucoup évoqué des sensations rétiniennes pour l’instant, étrange manière de parler d’un disque ; c’est qu’il se construit par une suite de tableaux, au caractères très cinématographiques, « road trip ». Pourtant la musique appelle toutes sortes de sensations, comme un herbier des sens, tentant de capturer le fugace, l’insaisissable. « Before zero crossing » nous offre un voyage, vécu et à vivre, comme vendu en kit. Les errances physiques (celles du touriste en pays inconnu) côtoyant l’errance intérieure des vibrations intimes (on imagine le musicien seul avec son instrument, à tâtons). Une musique-journal, un peu comme les films de Jonas Mekas pouvait être qualifiés de films-journaux. A la fois une offrande et un objet de mémoire pour son auteur, sans toutefois que la lecture soit trop orientée pour son auditeur.
A l’image du voyage, « Before zero crossing » est une œuvre inégale et disparate, mais offrant à l’auditeur impliqué de beaux moments, tissés (avec du temps et des tuyaux). A la fois généreuse durant le moment de l’écoute et frustrante une fois terminée, la musique tient ses promesses de départ, mais dégage quelque chose d’assez scolaire là où on serait tentés de rechercher plus d’insensé, de chaos. Oui, tout cela manque de force peut être, et pourtant son auteur n’en manque pas.
Une certitude cependant : si vous le pouvez, allez écouter et voir Timothée Quost en concert. Architecte d’un beau brasier sonore, humain. Où la puissance côtoie la tendresse. Il ne cherche pas à jouer la plus jolie des musiques, il joue c’est tout, et c’est très bien comme ça.
R.P.
https://gottaletitout.bandcamp.com/album/before-zero-crossing