The harshness of sociability, 8.0

D’abord un paysage qui vient, lentement mais avec insistance, sourdre jusqu’à remplir l’espace sans le saturer. Surface pleine d’irisations, souple et rigide à la fois, contenant du calme et de l’urgence simultanément. Matière ambivalente, lourde et légère comme peu l’être l’eau (tout dépend de la manière d’y plonger).

L’élément aqueux s’impose, confiant. On pense à la mer de « Solaris », à cette impression d’espace infini, étendue intérieure en fait comme un cerveau : surface réfléchissante. La prairie numérique qui nous surplombe semble bien organique ; c’est qu’elle est mue par un mouvement qui à l’air de s’auto-générer de manière naturelle, habitée (comme tissé de nerfs). On y est bien, les pensées ont la place de se mouvoir à leur guise.

Puis vient le choc, bienvenue (il s’agirait de ne pas rester dans un confort béat) ; la sensation effarante que le sol se dérobe sous nous, s’écroule. Noyade. On assiste alors, activement, à une sorte de négation du temps précédemment introduit. A ce moment, le flux se divise en deux presqu’îles de ruines sommairement reliées par un terre-plein boueux. Dans un univers virtuel comme celui d’un jeu vidéo, un personnage traverse une étendue qui lui semble infinie et vient s’échouer sourdement contre une frontière abstraite et invisible (accrochant au passage quelques mailles du tissus-code). Le plus beau moment dans tout cela, le plus juste, est peut-être ce qui vient directement après.

La fin, une porte ouverte.

Finalement ce qui frappe le plus, c’est la forme globale de la proposition, sa structure. Loin d’être évidente, elle est pourtant d’une étonnante simplicité. Admirable. Beaucoup d’autres ont trop d’écume dans leurs voix, pas assez de nécessaire.

Musique austère, contemplative, radicale (oui tout cela est bien joli, se méfier des termes lieux-communs). Généreuse pourtant! Immersive aussi. Non pas bêtement immersive : il faut en faire l’effort, prendre le temps d’engager une relation intime avec elle et s’y plonger régulièrement peut-être. Habiter la musique comme un lieu, un bâtiment en mouvement (un moyen de transport?). Musique-énigme, un ailleurs.

R.P.

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